Barack Obama se livre, avec courage, à un changement de braquet idéologique à 180 degrés par rapport à son prédécesseur depuis son investiture ne peut être que difficilement contesté. La promotion d'un monde multipolaire, la lutte pour la non prolifération nucléaire, la volonté d'un dialogue entre les cultures via entre autres son discours du Caire en sont des exemples.
Mais de là à lui décerner le Nobel de la paix, il y a un pas qu'il est regrettable que le comité norvégien ait dépassé.
Les Etats-Unis ne sont-ils pas toujours embourbés en Afghanistan ? Les rapports politiques entre les Etats-Unis et l'Iran ou la Corée du Nord sont-ils si pacifiés que cela ? Guantanamo n'est-il pas encore une réalité ? Y-a-t-il eu, depuis le début de l'année, des avancées notables pour la paix au Proche-Orient ? etc...
Donner le prix Nobel de la paix à Barack Obama met en évidence le désespoir politique profond dans lequel nous sommes plongés et offre une triste victoire au "smart power".
Au désespoir parce qu'après deux décennies de post-Guerre froide qui a vu se poursuivre les guerres tous azimuts et une année 2009 qui a connu la crise financière la plus dure depuis 1929 entraînant avec elle l'économie, le social, et l'écologie, les mondes occidentaux doutent de leurs certitudes impériales (capitalisme et démocratie libérale), et ne trouvent pas de portes de sortie à l'exception ... du "Messie Obama".
Quand JMG Le Clézio, prix Nobel de littérature 2008, déclare sur France 3 vendredi soir, qu'il approuve le choix du comité Nobel parce que "Obama est un exemple", il se positionne clairement dans cette rhétorique.
Au "smart power" parce que Barack Obama qui - c'est vrai et sans ironie le représente mieux que d'autres ici ou là -, ne déroge pas à la règle d'or : agir par la com', proprement, rapidement, efficacement. De la Star Academy réchauffé. Beurk. Tout sauf de la politique. Que Nicolas Sarkozy ait été sur la "short list" est une illustration plus frappante encore de cette idée.
À l'inverse - n'y voyait en rien un chauvinisme européen de bon goût, ahahah - le talentueux, le courageux, l'excellent Haut Représentant de la Politique étrangère et de sécurité, Javier Solana n'a même pas été cité.
Même pas cité alors que Javier en a fait - pour l'instant - bien davantage pour la paix que Barack !
Même pas cité Javier alors qu'il a mené, dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), 23 (!!) opérations de paix civile et militaire avec diplomatie et succès !
Même pas cité Javier alors qu'il devrait prendre sa retraite cet automne après plus de dix ans de bons et loyaux services à la tête de la diplomatie européenne !
Pourquoi ?
Sur le fond, Javier Solana n'est pas président des Etats-Unis d'Amérique, et n'a pas l'influence de ce dernier.
Sur la forme, Javier Solana n'a pas la "smart touch'" du président etats-uniens. Il n'est pas un symbole. Alors forcément, ce n'est pas très vendeur même s'il bosse et qu'il y a - n'en déplaise à ses détracteurs - des résultats tangibles.
Le prix Nobel de la paix de cette année ressemble assez à la palme d'or 2004 décerné à Michael Moore pour son film-docu Fahrenheit 9/11. Le sensationnel/émotionnel l'a emporté sur la raison.
Espérons que les chefs d'État et de gouvernement "des 27" qui devront, si Klaus se décide à signer Lisbonne, dans les mois à venir désigner un remplaçant à Javier Solana et le premier Président "permanent" du Conseil européen, ne succomberont pas au "smart power" d'un certain Tony Blair...
http://www.lemonde.fr/opinions/chronique/2009/10/12/le-nobel-succombe-au-smart-power_1252443_3232.html