Qui est l'autre?
Celui qui me menace sans parvenir à m'effrayer. Celui qui me donne l'occasion de l'aimer. J'aime l'autre dans sa différence, parce que sa différence me plaît. Depuis cinquante ans, mon message ne varie pas: paix, partage, partenariat...
Je suis dingue de comédie musicale, et notamment de Toute la ville danse (Duvivier, 1938), une oeuvre à laquelle il me fallait rendre hommage: je l'ai vue quarante fois avec les mêmes larmes de joie. Mais, si je réalisais des films uniquement dans le but de divertir, je n'assumerais pas mes responsabilités. L'Autre est donc né d'une colère contre les hommes d'affaires autorisés à «tuer» le cinéma égyptien. De l'urgence à dénoncer la collusion entre les affairistes, les intégristes et le gouvernement. Comme je ne suis pas Shakespeare, j'utilise ma seule arme, le cinéma, avec l'aide de Monsieur Sophocle. Il y a de l'Antigone dans cette journaliste en lutte pour la démocratie, soudain amoureuse d'un fils de bourgeois véreux.
De quelle façon le comité de censure a-t-il réagi aux scènes d'amour qui ponctuent le film?
La censure n'a rien dit; la société a quand même évolué depuis les années 60. Parfois, il arrive aussi qu'on ne puisse rien contre vous, à part déclencher les fanatismes. L'affaire de L'Emigré (retiré de l'affiche en 1995 sous la pression des islamistes, qui y voyaient une représentation du prophète Joseph), toujours interdit en Egypte, m'a beaucoup humilié, beaucoup agacé. L'Autre ne parle finalement que de ces connivences entre un certain pouvoir et les extrémistes et pointe une classe sociale matérialiste, dépourvue de tout sens moral. Dans L'Autre, le personnage de Margaret, épouse américaine d'un dignitaire égyptien, acoquinée par vengeance aux intégristes, incarne les Etats-Unis, leur hégémonie.
Pourquoi Un jour, le Nil (1), coproduction égypto-soviétique (1968) autour du barrage d'Assouan, est-il resté inédit jusqu'ici?
Les Soviétiques me reprochaient de montrer les expropriations en Nubie plutôt que la modernité moscovite. Les Egyptiens ne supportaient pas de voir sur l'écran l'ingénieur soviétique précéder dans sa marche l'ingénieur égyptien. A la suite de ces remarques imbéciles, une seconde version a été remontée en 1972, puis égarée. Grâce à un diplomate français, l'unique copie du film original a atterri à la Cinémathèque française.
Le président Nasser adorait Saladin (1963), votre grande fresque sur le sultan des croisades. Que pensiez-vous de lui?
Nasser a agi au maximum de ses possibilités; il a réussi beaucoup de défis et commis de grosses erreurs aussi, comme affoler les populations étrangères. En 1965, moi qui suis chrétien, j'ai choisi de m'exiler volontairement au Liban durant deux ans. Un jour, Nasser a dit: «Où est le fou? J'aime ses films. Faites- le revenir!» Je suis revenu
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