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 Thème du mois:LA MUSIQUE!

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Jayshree
abdennacer loukah
Driss Boudhan
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Jayshree
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeLun 15 Fév - 5:05

La musique pour relaxer...

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Jayshree
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeLun 15 Fév - 5:18

Sachons sur la musique classique d'Inde...

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Et ici vous pouvez lire sur la musique indienne...

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Jayshree
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeLun 15 Fév - 5:22

Another interesting article on Indian Music...

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Driss Boudhan
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeVen 19 Fév - 15:39

La thérapie par la musique

La musique soulage, guérit, épanouit, et cela depuis toujours. Sa reconnaissance officielle comme outil de travail thérapeutique ne date, cependant, que des années 1950. Depuis, la profession prend tranquillement sa place dans divers milieux de travail et la documentation qui s’y rattache continue de croître. L’interaction entre le client, le thérapeute et la musique judicieusement appliquée, donne des résultats manifestes, de l’établissement d’un lien entre la société et l’individu à l’amélioration de la qualité de vie.

Les musicothérapeutes travaillent dans les écoles spécialisées, les prisons, en pratique privé, en milieu hospitalier, bref, partout où il y a de la demande. Ils desservent une clientèle diverse et de tous âges : enfants autistiques, handicapés mentaux, personnes âgées, et autres. Deborah Salmon, musicothérapeute à l’Hôpital Royal Victoria visite des patients en soins palliatifs. Elle compose une chanson avec un client, improvise avec un autre, interprète l’air national préféré d’un émigrant ou régularise la respiration d’un client en l’adaptant aux rythmes joués à sa flûte. « Grâce à la musique, raconte-elle, on arrive à réconforter, à briser l’isolement, à apaiser les craintes face à la mort. » Lilian Eyre, de son côté, anime des sessions de musicothérapie en psychiatrie des adultes à l’Hôpital général de Montréal. La musicothérapeute opte pour des improvisations en groupe. Les clients expriment, sur des instruments de leur choix, leur état d’âme et leurs idées. Durant ces dialogues musicaux, ils doivent faire certains compromis, adaptant leur jeu à celui des autres. « Les clients anxieux, schizophrènes, maniaco-dépressifs développent ici des habiletés essentielles pour fonctionner en société », explique Lilian Eyre. Depuis trois ans, elle coordonne aussi une chorale, MusicArt, avec le Dre Marie-France Bourdeault. Ce projet innovateur, couronné du premier prix de l’Association canadienne de psychiatrie en 2000, demande motivation, discipline et concentration. « À la suite de cette expérience, certains clients ont réintégré la société par le bénévolat ou le travail à temps partiel », atteste la musicothérapeute. [/size]
Pour découvrir l’unicité de la musicothérapie, il faut examiner les caractéristiques propres à la musique, précise Debbie Carroll, professeur en musicothérapie à l’UQAM. La musique offre une palette de paramètres (note, rythme, dynamique, timbre, texture) grâce auxquels une personne peut s’exprimer simultanément sur plusieurs niveaux, contrairement à l’expression verbale qui, elle, est linéaire. La musique éveille aussi des réponses diverses : le choix musical se fera donc en fonction de l’objectif encouragé dans le processus de traitement. La musique présente, enfin, un cadre sécurisant avec un début, un temps fort et une fin définis. Le rôle du musicothérapeute peut s’apparenter à celui du coordonnateur d’une pièce impromptue : il guide les séances sans s’imposer. Il veille à ce que l’évènement reste une expérience toujours positive et enrichissante. Le métier exige surtout une flexibilité musicale pour arranger et transposer des mélodies, l’apprentissage d’un instrument principal et l’usage fonctionnel du chant et de la guitare.
La formation de musicothérapie au baccalauréat est offerte, au Canada, dans quatre universités : Capilano College en Colombie-Britannique, Windsor et Wilfrid Laurier en Ontario et l’Université du Québec à Montréal. Le programme comprend des cours généraux en musique, un volet appliqué à la musicothérapie (la méthodologie de travail, des techniques et approches avec différentes clientèles) et trois stages. « Si les cours académiques donnent une bonne base théorique, ce sont surtout les stages et l’internat qui permettent d’apprendre le métier et devenir autonomes », affirme Debbie Carroll. Le bac terminé, l’étudiant complète un internat de 1000 heures supervisées afin de d’obtenir le titre professionnel décerné par l’Association canadienne de musicothérapie. Le musicothérapeute accrédité doit faire preuve de débrouillardise et de volonté afin d’établir sa place.
Les musicothérapeutes sont souvent confrontés à la réalité de la jeune profession : des contrats à temps partiel, la nécessité de créer leurs propres emplois, le manque de soutien financier surtout dans les hôpitaux où, appréciée, la musicothérapie n’est pas perçue comme essentielle. Toutefois, Lilian Eyre reste optimiste car, une fois créées, les ouvertures demeurent. « Les effets de la musicothérapie sont visiblement reconnus. Plus il y a de musicothérapeutes, plus il se fait de recherche et de publication dans le domaine. » L’Université Wilfrid-Laurier offre une maîtrise depuis cette année. On parle d’un projet conjoint de maîtrise, Thérapie par les arts, entre L’UQAM et Concordia. En juillet 2002, il se tiendra à Oxford un dixième congrès mondial édié à la musicothérapie. Au pays, l’Association canadienne de musicothérapie organise des conférences et des ateliers pour démystifier le travail des musicothérapeutes. Debbie Carroll mentionne le nombre grandissant de publications. Tous ces progrès sont rendus possibles grâce au travail quotidien des musicothérapeutes passionnés. Le défi reste entier pour continuer à faire connaître la musicothérapie.

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abdennacer loukah
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeVen 19 Fév - 15:48

Merci les amis pour la belle participation
je voudrais encore remettre en question le rapport de la musique à la poésie..
Certes la musqiue est l'art le plus élaboré esthétiquement..oui mais il y a sûrement un rapport non?je pense à Hegel...bien sûr je pense aussi à Deleuze etc mais je crois qu'il nous faut un peu contempler cette quetsion: les rapports qui pourraient exister entre Poésie ..Musique et peinture
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Jayshree
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeSam 20 Fév - 0:11

Mais oui mon ami, bien sûr, tu as raison, il y a bien sûr un rapport de la musique avec la poésie… Dans le monde, on connait bien Mirabaï, une poétesse mystique. Les Bhajan (Les poèmes sont écrits pour prier dieu) dont elle a écrit sont chantés jusqu’à maintenant… Elle était bonne chanteuse avec bonne poétesse. J’ai beaucoup d’exemple comme ça… Comme Narsinh Mehta, Raskhan, Surdas, etc…



Voilà pour lire sur Mirabai…



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Et pour ecouter un de ses poemes... voil`a ce lien...



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abdennacer loukah
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeSam 20 Fév - 3:21

Très intéressant merci chère Jayshree oui cela eclaircit la question
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Jayshree
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeSam 20 Fév - 4:02

Je suis heureuse mon ami que mon intervention t'ait plu...
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Driss Boudhan
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MessageSujet: Re: Thème du mois:LA MUSIQUE!   Thème du mois:LA MUSIQUE! - Page 2 Icon_minitimeDim 21 Fév - 10:06

A mon humble savoir,on ne peut parler de musique sans parler de poésie et vive-versa.
La musique n'est-elle pas une floraison de sons bien choisis pour décrire ce qu'on voit,perçoit,ressent imagine et médite?!
Que serait la poésie sinon les mêmes sons élaborés à base de mots bien choisis et tissés afin de peindre des sensations et teindre nos impressions de couleurs et sons?!

Voci un document qui illustre bien cette relation,complémentarité je dirais,entre ces deux manifestations esthétiquement artistiques....sans omettre la danse et la peinture aussi..
*********


LES POETES SYMBOLISTES ET LA MUSIQUE:


DE VERLAINE A BLOK



par Hélène DESGRAUPES





«La musique est un art d'allégorie; elle décrit un paysage par des sons, elle ne l'évoque jamais directement; elle ne nomme rien, elle transpose toujours. Elle est le symbole parfait, et Hegel dirait qu'elle serait le langage métaphysique par excellence, si nous pouvions arriver à penser en sons aussi aisément qu'en mots.» (Camille Mauclair, L'Art en silence, 1901)




Bibliographie

La question de la synthèse des arts n'est pas propre à la modernité, on la trouve déjà posée dans le mythe d'Orphée dont nos littératures occidentales se sont en grande partie nourries: Orphée, poète, musicien et chanteur réunit la pensée et la parole dans la fluidité du chant. Dans un même ordre d'idées, l'amour de la musique et la volonté d'interpénétration de la prose et de la poésie caractériseront les romantiques au XIXème siècle. Mais c'est seulement à partir de la Modernité que le problème se posera de façon consciente et systématique: en effet, à partir de cette époque l'artiste s'interroge sur ce qu'il fait, sur ce que sont l'art, l'acte de création, il s'observe en train de créer. De nos jours cette question transparaît encore, non plus dans l'acte de création, mais dans celui d'exécution ainsi qu'en témoignent les manifestations de «performing arts», où plusieurs arts coexistent dans un même espace, à un même moment, déplacement d'acte qui explique peut-être la différence entre modernité et postmodernité.

De tous le rapprochement entre musique et poésie est sans doute celui qui a été le plus commenté, le plus expérimenté à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. Aussi bien les poètes que les compositeurs ont cherché à inclure les deux arts dans leur inspiration. Ce phénomène s'est manifesté dans divers pays, en particulier en France et en Russie, et les artistes se sont trouvés placés face à une interrogation difficile, parfois obsédante, voire douloureuse: celle de savoir comment intégrer les données d'un autre art au leur. Leurs différentes façons de résoudre le problème les ont projetés hors des frontières géographiques et ont permis de dessiner essentiellement deux orientations correspondant à deux états d'âme différents, et par conséquent à deux types d'artistes différents.
La mise en mots des problèmes posés aux artistes à partir de la modernité revient en premier lieu aux écrivains, dont l'art se fonde sur le langage verbal. Cette formulation anticipatrice sensibilisera en premier lieu les écrivains et trouvera plus tôt un écho dans leurs oeuvres. Les musiciens, ayant sans doute échappé provisoirement grâce aux caractéristiques de leur art aux dilemnes engendrés par les interrogations modernistes, y seront néanmoins eux aussi confrontés. Cet ordre chronologique de la verbalisation des nouvelles idées sur la création explique la démarche de cette étude qui consiste à privilégier l'examen des données musicales au sein des oeuvres littéraires, plutôt que l'inverse.
Plus d'un siècle a passé. Que reste-t-il du symbolisme? Si les idées des symbolistes, décadents ou non, ont porté jusqu'en Amérique du Sud, en Europe centrale et orientale, voire en Chine, il en subsiste peu de choses. Les théories développées dans de nombreuses revues de l'époque ont en fait préparé le terrain à des mouvements littéraires et esthétiques ultérieurs (surréalisme en France, futurisme en Russie) et permis l'apparition du vers libre. Elles ont aussi été un vaste lieu d'échanges, d'interactions entre différents arts, poésie, musique, peinture. Mais elles demeurent finalement davantage des traces derrière des noms que le temps a imposé essentiellement dans les symbolismes franco-belge et russe. C'est parmi ces poètes, dont les oeuvres ont transcendé et dépassé le simple mouvement du symbolisme, que s'est opéré le choix des créateurs sur qui repose cette étude: Paul Verlaine, à la poésie légère, impressionniste et musicale; Stéphane Mallarmé, grand théurge du symbolisme, précurseur des jeux sur la graphie; André Biély, poète mystique, théoricien de la poésie et de la musique; enfin Alexandre Blok, dont la poésie d'une extrême musicalité en fait incontestablement le plus grand des poètes symbolistes russes, même si plus tard il désavoue ce mouvement. Les idées de Verlaine et de Mallarmé ont rapidement franchi les frontières et sont parvenues à la jeune génération des symbolistes russes que quelque quarante ans séparent des deux Français
(1). L'analyse de leur approche de la musique, à la fois dans leurs écrits critiques et dans leurs textes, montrera quelles solutions chacun de ces créateurs a trouvées pour résoudre le difficile problème de la co-présence des arts dans une oeuvre, et autorisera un autre groupement de ces artistes, tributaire cette fois, non d'une appartenance à un pays, mais d'une attitude face à l'acte de création.
La musique et la poésie, selon certains critiques, ne partageraient que des termes en commun (mélodie, harmonie, rythme). L'amour des symbolistes pour la musique et de nombreux compositeurs pour la poésie, une abondante littérature critique de la part des artistes et des théoriciens de cette époque, tendraient à prouver que la comparaison entre les deux arts se justifie et dépasse le simple emprunt lexical. Le rapprochement entre poésie et musique opère dans les deux sens. Pour prendre l'exemple des Français, d'une part les poètes prônent l'importance de la musique, Verlaine lui accorde une prééminence incontestable sur les autres arts. D'un autre côté des musiciens comme Fauré, Debussy ou Ravel s'engagent dans la voie d'une technique musicale qui partage avec la poésie symboliste ses thèmes et procède d'une fraternité de conceptions esthétiques, visible dans la recherche d'une expression toujours plus épurée, plus immatérielle, et la volonté d'une sorte d'estompage mélodique et parfois rythmique obtenu en grande partie par le jeu de modulations subtiles. Mallarmé, à propos de «L'Après-midi d'un faune» (1876), poème composé de cent dix alexandrins, parle d'une «sorte de feu courant pianoté» autour de l'alexandrin et d'accompagnement musical, ce qui reflète bien la notion d'impressionnisme musical dont les critiques qualifieront son oeuvre. Ce poème inspirera à Debussy le Prélude à l'après-midi d'un faune (1894). Dans le livret, le compositeur précisera ainsi les rapports «très libres» entre le poème de Mallarmé et son oeuvre:
«La musique de ce prélude est une illustration très libre du beau poème de Mallarmé; elle ne prétend pas en être une synthèse. Il s'agit plutôt de fonds successifs sur lesquels se meuvent les désirs et les rêves du faune dans la chaleur de cet après-midi. Enfin, las de poursuivre les nymphes et les naïades apeurées dans leur fuite, il s'abandonne à un sommeil enivrant, riche de songes enfin réalisés, de pleine possession dans l'universelle nature.»
Verlaine définit sa conception de la musique principalement dans son poème «Art poétique», rédigé en 1874 et paru dans le recueil Jadis et Naguère en 1884. Dès le premier vers - «De la musique avant toute chose» - il confère à la musique une suprématie absolue. Ce vers n'a pas toujours été compris également par les poètes. Ce sont sans doute Biély et Mallarmé qui l'ont interprété dans son sens le plus profond: ils distinguent deux musiques, la musique extérieure, celle de la poésie de Verlaine, et une musique cachée, celle des forces qui meuvent des mondes de synesthésies se côtoyant dans un tout harmonieux et cosmique.
La musicalité des poèmes de Verlaine provient principalement du choix des mots et de leurs sonorités (assonances, consonances, rimes intérieures, diphtongaisons), du rythme du vers (nombreux types d'enjambements, déplacement, voire instabilité des accents), de la présence de mots qui se rattachent à la musique (ariette, romances, chanson, rumeur, etc.) très présents dans les pièces des recueils Romances sans paroles et Sagesse. Dans son poème «Art poétique», on sent aussi un désir d'alléger les syllabes («C'est des beaux yeux derrière des voiles»), les mots («Rien de plus cher que la chanson grise/Où l'indécis au Précis se joint»). Cette imprécision peut aussi se retrouver dans le rythme interne du vers, comme le montre l'alexandrin suivant qui peut se lire selon deux rythmes différents:






«Je fais souvent/ ce rêve étran/ge et pénétrant» 4/4/4
ou
«Je fais souvent ce rê/ ve étrange et pénétrant» 6/6
(«Mon rêve familier», Poèmes saturniens, 1866)


Ce souci d'imprécision affecte aussi le sens lui-même: «C'est le grand jour tremblant de midi», et Verlaine insiste sur ce principe:






«Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la couleur, rien que la Nuance!
Oh! la Nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor!»
(«Art poétique»)


La poésie de Verlaine a un caractère nettement impressionniste, qui l'apparente aussi bien à la peinture, comme on le voit dans l'exemple précédent, qu'à la musique dite impressionniste de Debussy et Fauré. Tous deux ont illustré musicalement des poèmes de Verlaine: «Le Clair de lune» (1887), «La Bonne Chanson» (1890) pour Fauré, «Ariettes oubliées», suite de mélodies composées par Debussy (1888).
L'art de Verlaine exprime le souci d'une libération esthétique, partagée par les musiciens et les peintres, et qui, pour les poètes, les situent dans la continuité des romantiques
(2). Il n'est pas question de rupture totale, Verlaine conservera de l'alexandrin le nombre et la rime, mais plutôt d'un esprit d'émancipation propre à la génération symboliste et impressionniste.
Verlaine a montré une grande prédilection pour les vers impairs («De la musique avant toute chose,/ Et pour cela préfère l'Impair/ Plus vague et plus soluble dans l'air/» - «Art poétique»). Il les allie souvent aux vers pairs pour apporter une alternance apaisante, ou bien joue de leur caractère suspensif et évocateur. Il a composé en prison, puis retravaillé par la suite un long poème de 100 hendécasyllabes, «Crimen Amoris», paru dans Jadis et Naguère en 1884. Il n'usa guère de ce vers en dehors de ce poème mais il fut l'un des rares poètes à l'avoir utilisé. Ce vers est connu pour être très difficile à manier sans doute en raison de sa proche parenté de longueur avec l'alexandrin. Comme le même principe en musique, l'effet de «dissonance» qu'il suscite provient davantage d'une remise en cause des équilibres et cadences habituels de la métrique traditionnelle que d'un phénomène «physiquement» explicable. La quasi arythmie de ce vers lui donne des airs de flottement, voire d'inachèvement, qui contribuent à faire de la poésie de Verlaine une poésie de l'indicible, soeur de ce que le philosophe Jankélévitch a nommé une «musique de l'ineffable».

Si Verlaine ne rejette pas l'alexandrin malgré sa volonté de se libérer de l'obsession de la forme, c'est qu'il considère certaines contraintes (nombre et rime essentiellement) comme des «abus indispensables», ce qui l'éloignera de la tentation du vers libre dont les trop grandes licences ne permettent pas la définition d'un paysage poétique suffisamment dense pour y être le centre de cristallisation des sensations subtiles qu'il veut y exprimer. De la même manière Mallarmé, après s'être intéressé pendant plusieurs années aux vers libres, reviendra à une poésie plus formelle. Lui-même avouera s'être lassé de la «facilité» et du «délassement» qu'ils procurent. Cette attitude est à rapprocher de celle de Baudelaire qui prônait la nécessité des contraintes pour rendre plus puissante toute libération de l'expression
(3). Il est certain que le retour aux exigences de la métrique suppose une ascèse technique et esthétique allant dans le sens de ses recherches poétiques et qui produiront le fameux «Sonnet en yx» (1868 pour la première version) et le révolutionnaire «Un coup de dés...» (1897). Professeur d'anglais et linguiste, Mallarmé est sensible aux sonorités, à tel point qu'il s'interroge sur la validité du sens en dehors du son. A propos de son «Sonnet en yx», il doute de l'existence d'un sens; si celui-ci existe il ne peut être qu'évoqué par le «mirage interne des mots mêmes».
Ce sonnet illustre bien la grande exigence d'écriture du poète: la première version est parue en 1868, la définitive en 1887, près de vingt ans plus tard. L'analyse des deux versions apporte des indications intéressantes sur l'évolution de la poésie mallarméenne. Les modifications se font sentir sur les plans syntaxique et sémantique. L'effet de rupture est souligné par le remplacement de certains mots à valeur plus conflictuelle («mais» pour «et», «encore que» pour «sinon») et l'ajout de parenthèses. Dans la seconde version, Mallarmé tend aussi à gommer la valeur dénotative des mots, il accentue l'ambiguïté de sens qui peut mener à l'hermétisme en employant davantage de «diagonales» connotatives. Enfin il affirme ses préférences pour l'abstraction («oubli» s'est substitué à «obscurcissement»). Ces changements, joints aux audaces lexicales et à la désarticulation de la syntaxe dont nombre de ses textes sont empreints, provoquent une lecture plurielle et instable qui agit par «glissement». Pour Jean-Pierre Richard, ce glissement est le sens même du poème.
Mallarmé, au contraire de Verlaine ou de Biély, répugne à donner la suprématie à la musique. Il parle de «reprendre à la musique notre bien». Il croit fermement à la valeur incantatoire des vers et cherche à privilégier ce caractère du discours poétique en l'éloignant de la réalité banale. Il n'y a plus d'objet mais sa réminiscence ou sa quasi trace sonore:
«A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole, cependant, si ce n'est pour qu'en émane sans la gêne d'un proche ou concret rappel, la notion pure?»
(Avant-dire, La Pléiade, 1951, p.857)

Il rêve de l'«idéalité pure», obtenue seulement après un incessant travail de polissage des vers, principe d'union de l'Etre à la Pensée, qui lui a été inspiré sans doute par la lecture des oeuvres de Hegel. Dans un langage aminci jusqu'à l'extrême on retrouve le goût de la transparence sous-jacent à l'écriture musicale d'un Ravel, occupé à dissimuler sa réelle structuration sous une grande souplesse mélodique.
La disparition de l'objet s'accompagne de la «disparition élocutoire du poète» cédant le pas aux mots qui, débarrassés de leur valeur concrète, témoignent de l'Absolu jusqu'à un quasi silence, gage d'existence. Ces idées conduiront Mallarmé à l'expérience ultime d'un texte écrit dans les blancs de l'écriture, «Un coup de dés...». Ce texte poétique, par son dynamisme graphique, s'inscrit dans la volonté des symbolistes de faire co-exister les arts. Mallarmé, qui n'est pas favorable à l'immiscion d'un artiste dans un autre art, apprécie pourtant le principe de la synthèse des arts. Il se montre ainsi très sensible à la synthèse du son et du mot chez Wagner, mais, fidèle sans doute en cela à sa préférence pour le mot, il prise davantage chez celui-ci le poète que le compositeur
(4), ce qui est d'ailleurs le cas de la plupart des symbolistes, à l'exception de Biély.
Biély est, de tous les symbolistes, celui qui, par sa formation, a été le plus porté vers la théorie de la musique. Dans ses premières oeuvres de poète, les quatre Symphonies
(5), il tente d'appliquer des techniques d'orchestration musicale, grandement inspirées de l'orchestration wagnérienne, à son écriture. Il a consacré de nombreux essais à la théorie linguistique et musicale. Ainsi a-t-il été le premier à écrire sur les mètres et les rythmes («Une tentative de caractérisation du tétramètre ïambique russe», «Une Morphologie comparative du rythme des poèmes lyriques russes dans le dimètre ïambique») et l'on peut dire qu'en cela il a influencé l'approche scientifique des formalistes sur la prosodie. Au début ses idées ne sont cependant plus très claires dès qu'il lui faut les appliquer au langage verbal. Il reconnaît lui-même ne pas toujours savoir où il va lorsqu'il rédige ses Symphonies, et il est vrai que ses techniques d'écriture vont s'affiner et se préciser lorsqu'il passera de la poésie à la prose. S'il a utilisé de nombreux leitmotive, pratiqué l'assonance et la formule incantatoire dans ses poèmes, c'est dans ses romans qu'il va en faire un système d'écriture qui produira l'effet d'une orchestration verbale saturée, rendant son style si particulier.
Pour Biély, plus une oeuvre est proche de la musique, plus elle est parfaite. Dans son essai sur «Les Formes de l'art» (1902), il écrit que le focus de l'art se déplace vers la musique. D'un esprit infatigable et curieux, il va se former à la théorie musicale, à l'harmonie et au contrepoint, en fréquentant divers salons où se réunissent les musiciens, comme celui des frères Medtner (Nicolas, compositeur, et Emile, critique musical) où il rencontre Scriabine et Rachmaninov, ou bien ceux de D'Haleim et de Taneyev. Il existe des liens assez évidents entre certains musiciens et Biély. Ainsi peut-on rapprocher le désir de Scriabine d'une synthèse des arts, emprunté à Wagner, et les tentatives de Biély d'unir poésie et musique. La musique, ainsi qu'il l'a dit, a été son premier amour:

«Je me sentais plus compositeur que poète. La musique a obscurci pendant longtemps la possibilité d'une carrière littéraire pour moi, et je suis devenu écrivain par pur accident.»
(«A la frontière de deux siècles», Moscou, 1930, p.351)

Jeune, il lui arrivait d'improviser sur le piano, et dans ses premiers poèmes il essayait d'illustrer les sentiments exprimés par ses compositions. Biély a toute sa vie été tiraillé par son amour d'un art intuitif et d'un art raisonné. Son père, éminent mathématicien, avait une approche toute scientifique du monde tandis que sa mère, pianiste de talent, se laissait porter par ses sentiments plus que par sa raison. Dans une tentative de conciliation de ces deux visions du monde, Biély a mené avec obstination des recherches théoriques en liaison permanente avec un travail de création littéraire.
Biély diffère de Mallarmé en ce qu'il place la musique au premier rang, avant le mot. Wagner est pour lui une véritable idole car il est l'exemple d'un musicien descendu vers la poésie. Seule la musique est apte à rendre l'ineffable, pas le mot.
Tout au long de son parcours créatif, Biély ne se lassera jamais de s'interroger sur la nature du mot, du sens et du son. Il sera le premier symboliste à s'être penché sur la nature acoustique du son, son expressivité et sa structure physique. Comprendre le son est fondamental car pour lui la nature des liens entre son et sens n'est pas arbitraire. Après sa conversion à l'anthroposophie, il affirmera que depuis la diversification des langues à Babel, l'homme s'est trompé dans son interprétation des phonèmes. Dans son essai «Glossolalija», il donne à chaque son une couleur et un geste correspondants. Bien que ces interprétations ne soient pas viables scientifiquement, elles montrent l'importance de l'idée d'une énergie du son. On peut penser à Mallarmé et à ses «Mots anglais», d'autant plus que Biély le rejoint dans ses interprétations des sons p, v, r et m. Il faut dire que les symbolistes russes ont eu accès au Traité du Verbe de René Ghil (1886), avec un avant-dire de Mallarmé, ouvrage dans lequel l'auteur expose ses idées sur la valeur colorée des voyelles, les procédés d'instrumentation verbale, le groupement des consonnes et des diphtongues par l'assignation d'un timbre instrumental spécifique
(6). Mais Biély est finalement autant un expérimentateur qu'un théoricien. Tous ses romans comportent les moyens musicaux qui permettent de définir son orchestration verbale: répétition de son et de leitmotive verbaux attachés à un personnage, une ville, des bâtiments, des forêts, etc., et qui les définissent par phénomène d'écho; substitution de heurts entre les personnages par la collision des motifs verbalo-musicaux; accélération ou ralentissement des tempos au moyen de mots mono ou pluri-syllabiques et des signes de ponctuation; subtile approche des couleurs donnant une tonalité particulière; associations tout à fait inattendues de mots compris dans un sens littéral alors qu'il sont utilisés dans un sens figuratif, ayant pour effet de créer ce que l'on peut appeler une polyphonie.
La notion de polyphonie en littérature peut se justifier par le fait que, bien que la lecture ne puisse pas être verticale (au contraire de ce qui se passe en musique), le «mot poétique», par sa polysémie et son pouvoir suggestif, tend à annihiler le décalage temporel que requièrent la mise en correspondance ou en écho de plusieurs termes, voix ou sens, et à concentrer la lecture linéaire en une lecture quasi verticale. Ce sont d'ailleurs les symbolistes qui ont porté le pouvoir de suggestion du mot à son plus haut degré et il n'est pas étonnant que ce soit un symboliste qui ait expérimenté le phénomène de la polyphonie verbale dans ses écrits. Il faut bien sûr comprendre ce terme de polyphonie dans un sens abstrait, mental, tandis qu'en musique il relève d'un processus acoustique bien concret.
Tous ces procédés verbalo-musicaux tendent à une chose: l'expression des idées. D'accord avec Mallarmé, Biély pense que la musique doit exprimer des idées, allant même jusqu'à dire que les idées ne peuvent pas être exprimées sans la musique qui condense en elle tous les instants, passés, présents, futurs. Il est proche un moment des idées de Schopenhauer
(7). Son tempérament instable et mystique lui fera ensuite délaisser Schopenhauer pour Kant, ce dernier pour les néo-kantiens, avant de le convertir à l'anthroposophie de Rudolf Steiner dont il suivra les pas pendant quatorze ans.
Blok, comme tous les symbolistes, sera lui aussi influencé par les théories de Schopenhauer. La musique occupe une place privilégiée dans les théories du philosophe sur l'art: elle y est considérée comme expression de la volonté elle-même, non comme copie de l'idée. L'artiste se laisse saisir par les idées, il s'y abandonne. Blok est tout à fait conscient de cette attitude. Il distingue deux types d'artistes: ceux qui se nourrissent du monde, ceux qui vont vers le monde. Lui se sent clairement appartenir à la première catégorie d'artistes. Tout comme Schopenhauer il pense qu'à travers la musique on a accès aux puissances les plus profondes qui sous-tendent l'univers et il est constamment à l'écoute de la musique du monde. A la différence de Biély, Blok n'a jamais été un théoricien du symbolisme et l'on ne peut d'ailleurs pas réduire son oeuvre au cadre de ce mouvement. Il se sent incapable de parler de la musique comme d'un art:
«Je ne comprends désespérément rien à la musique, étant par nature privé de toute oreille musicale, de telle sorte que je suis totalement incapable de parler de la musique comme d'un art.» (Lettre à Biély, datée du 3 janvier 1903, Dialogue des poètes, p.94)
Cette remarque peut surprendre pour qui connaît l'extrême musicalité de la poésie de Blok et sa maîtrise du rythme. Blok, comparé à Biély ou à Ivanov, parle très peu de la musique. C'est en fait son véritable élément, la vie elle-même, son mouvement et son harmonie, auxquels son oreille est, au contraire de ce qu'il pense, finement accordée. Quand il parle de la musique, il se réfère toujours au rythme en tant que force impérieuse derrière tout ce qui est sublime dans notre conscience et notre sensibilité. La musique reproduit le courant des forces cosmologiques qui emportent les actions humaines. Dans Les Scythes (1915), poème annonciateur de la révolution, Blok, par ses images, ses injonctions, exprime un mysticisme barbare, une vision prophétique de l'avenir, un sens de la réalité presque orgiaque, soutenus par un rythme brutal qui évoque les rythmes violents du Sacre du Printemps (1913) de Stravinski:
«Vous êtes des millions. Nous sommes des nuées, des nuées, des nuées! / Essayez donc, livrez-nous bataille! / C'est nous les Scythes, les hommes d'Asie, / Aux yeux bridés, aux yeux avides.» (Skify, Berlin, izd. Skify, 1920, p.47, début du poème)
Ce merveilleux flair pour la musicalité et le rythme s'exprime par la façon dont Blok introduit les allitérations dans ses poèmes: celles-ci ne sont jamais évidentes, au contraire de celles que l'on trouve dans les textes de Biély. Elles sont amenées petit à petit, comme si le poète voulait habituer l'oreille du lecteur, la préparer. Il crée ainsi un effet libre de toute contrainte. Dans les Vers à la Belle Dame, les répétitions sont présentées de manière sporadique, par progression et régression avec un point culminant au milieu du poème. Cette méthode permet d'établir une base acoustique contre laquelle l'allitération sera davantage illuminée et sera perçue plus soudainement. On peut dire qu'en théorie Mallarmé et Blok étaient d'accord sur le fait que les allitérations, que ce soit en poésie ou en prose, ajoutent charme et musique au langage; Mallarmé rejoint Blok lorsqu'il estime que moins l'allitération est sentie, plus elle est réussie, et que l'utilisation plus clairsemée de l'allitération mène à une plus grande concentration de l'effet.
Mais Blok lui-même parlera toujours de façon très vague de la musique bien que l'on se rende compte dans sa correspondance avec Biély qu'il cherche lui aussi à rapprocher la poésie de la musique, en tentant de saisir le «chant de la poésie». Son extraordinaire sensibilité à la musique du monde le rendra, comme Taine avant lui, visionnaire: persuadé que la poésie a atteint ses limites extrêmes, il prophétise qu'elle sera submergée par la musique.
L'examen des caractéristiques du style des poètes étudiés conduit à établir une différenciation entre le symbolisme français et le symbolisme russe, distinction que l'on retrouve chez les compositeurs et qui ne s'explique pas par le simple décalage chronologique. Les symbolistes français, de même que les romantiques français, ont perdu leur foi en Dieu, ce qui les distingue des romantiques allemands et des symbolistes russes. Blok et Biély voient dans le symbolisme une philosophie métaphysique et mystique. Commentant sa Seconde Symphonie dramatique (1902) Biély lui attribue trois sens: un sens musical, un sens satirique et un sens philosophico-symbolique. Pour Biély, l'art n'existe pas hors de la religion. Et quand les symbolistes russes parlent du thème de la religion dans l'art, immédiatement ils parlent de la musique. Il y a chez eux des dimensions de profondeur, de mysticisme et un intérêt constant d'être compris du peuple, qui s'appliquent également chez des compositeurs tels que Stravinski ou Prokofiev dans les oeuvres desquels on relève un fort pouvoir expressif, un grand lyrisme, une profonde vérité humaine, parfois une violence des rythmes.
Bien sûr, il arrive que les symbolistes français aient des moments de sentiment religieux lors de crises spirituelles. Mais leur foi n'a jamais la puissance suffisante qui en ferait la base de leur existence. Dans Sagesse, Verlaine fait preuve d'un certain mysticisme: les poèmes de ce recueil ont été composés pendant ou juste après son emprisonnement en Belgique, et s'organisent autour des thèmes du repentir et de la conversion. Cette tentative de conversion à une nouvelle sagesse sera d'abord effectivement religieuse et mystique mais elle prendra ensuite l'allure d'une conversion existentielle correspondant à la recherche d'une inspiration nouvelle pour un homme nouveau
(Cool.
Les symbolistes russes ont tout de suite perçu la qualité éminemment sensuelle de la poésie de leurs homologues français. Ils parlent de sensualisme et découvrent de même derrière ce qui pourrait passer pour du mysticisme un caractère métaphysique, évident dans le cas de l'oeuvre de Mallarmé. Ces deux traits, sensualisme et métaphysique, trouvent leurs correspondants dans les termes les plus souvent utilisés pour analyser les compositions de Debussy ou de Fauré: sensualité, sensibilité, subtilité, raffinement, et l'on ne sera pas surpris de voir ces compositeurs qualifiés de poètes ou l'esprit de leurs oeuvres de poétique.
Ces distinctions qui touchent aussi bien les poètes que les musiciens tiennent à des raisons historico-religieuses. Pour les Russes, le contexte historique est différent, ils ont la prescience d'événements à venir, d'apocalypse (guerres, famines, révolutions). Dans sa préface à Châtiment (1911), Blok, parlant d'événements, d'écrivains, de politique, écrit:
«Tous ces faits , s'ils semblent séparés, ont pour moi un seul sens musical. J'ai l'habitude de confronter des faits provenant de tous horizons de la vie, accessibles à ma vue à un moment donné, et je suis sûr que tous, ensemble, toujours, formeront une seule énergie musicale.
Je pense que l'expression simple du rythme de cette époque où le monde, prêt à des événements inouïs, développait si puissamment et méthodiquement ses muscles physiques, politiques et militaires, était l'ïambe.» (Vozmezdie, Peterburg, Alkonost, 1922, p.12)
Les personnages de Biély sont à la fois des hommes modernes et des figures mythologiques. L'élément fantastique présent dans ses oeuvres traduit la nécessité qu'a l'auteur de montrer ce qui est sous-jacent à la réalité et qu'il perçoit en écoutant, comme Blok, la terrible musique de cette réalité. Ce ne sont pas des sons purs et brillants à l'instar de ceux de Parsifal (1882) de Wagner, mais des grondements, des coups de tonnerre, présageant un grand cataclysme, voire la destruction de l'univers. L'orchestration inharmonique de Wagner est fondamentale pour l'orchestration de Biély, mais elle ne peut montrer la terrible musique de son époque. Biély oriente ses recherches dans la même voie que celle des compositeurs russes contemporains. Selon Lalo, les successeurs de Wagner cherchent à fasciner par une «obsédante monotonie». On peut trouver chez Wagner un embryon de ces monotonies obsédantes. Mais cela n'a rien à voir avec les répétitions violentes et monotones de sons (u, i, ll, pp, dr, etc.) qui émaillent la prose de Biély, produisant un effet hypnotique. Ce procédé évoque Le Sacre du printemps de Stravinski, où toute la section «Evocation des Ancêtres» est construite sur une seule note, le mi. Même chose chez Prokofiev, avec la Suite scythe (1914) dont la première partie est une phrase incantatoire répétée inlassablement par les cordes et les bois.
Dans les 25 premières années du XXe siècle on perçoit en Russie et en Union Soviétique le pressentiment angoissé de quelque cataclysme fatidique. Cette atmosphère de menace et de tension se trouve reflétée dans de nombreuses oeuvres musicales, telles que Prométhée de Scriabine (1911), Le Sacre du printemps de Stravinski (1913), Sarcasmes (1912-1914) et La Suite scythe (1914) de Prokofiev. Les motifs incantatoires de ces oeuvres, qu'ils soient mythologiques, scythe, ou païen, font écho à ceux de Peterburg de Biély, paru entre 1913 et 1914.
Inextricablement liée à cette explication historique s'ajoute une explication religieuse. Les religions orthodoxe et catholique diffèrent fondamentalement ,en ce sens que la première est basée essentiellement sur la contemplation et fortifie ses fondements par le biais du servage et de l'autocratie, et la seconde sur les actes qui seuls permettront de juger du mérite de chacun.
Ces différences peuvent être rapprochées du symbole littéraire qui s'apparente d'une part au symbole religieux dans la mesure où il transpose des réalités abstraites dans des images concrètes, d'autre part au symbole philosophique, les mots qu'il utilise étant des signes représentatifs ou analogiques de mystères cachés qu'ils suggèrent. Cette suggestion s'apparente au pouvoir évocateur, caractéristique de la poésie de Verlaine et de Mallarmé, héritière en cela de Nerval, où les symboles servent à exprimer non seulement des vérités abstraites et dissimulées, mais aussi un début d'approche et d'intuition. En revanche la richesse des sonorités, des couleurs, la profondeur mystique de la poésie des jeunes symbolistes russes se fait l'écho de la richesse de la symbolique religieuse et de son caractère méditatif
(9).
S'il est évident qu'il y a pluralité de symbolismes, il semble que, malgré ces différences d'esprit, on puisse établir des analogies assez fortes entre les représentants de ces symbolismes. Verlaine et Blok ont produit une poésie profondément musicale, Biély et Mallarmé une poésie très travaillée au niveau de la forme, très - peut-être trop - consciente de son désir.
Pour Biély, la musicalité d'une oeuvre poétique peut se comprendre au sens littéral et au sens figuré. Le sens figuré, qui s'appliquerait à la «musique» de Verlaine, se réfère à un principe acoustique d'euphonie et de sonorité. Ce concept verlainien ne satisfait ni Mallarmé ni Biély qui recherchent une analogie directe entre les deux arts. Le sens littéral, lui, part de la syntaxe et de la signification du mot, considérés comme des éléments susceptibles d'organiser la «musique» d'un travail poétique selon le modèle de l'arrangement des notes dans une partition. L'altération du sens d'un mot, sa place dans la phrase, créent des liens associatifs inhabituels, produisant d'une part un type d'indétermination, d'autre part des effets dissonants qui se retrouvent dans la musique. On n'aura aucun mal à rapprocher le style très orné de Biély avec son orchestration dissonante et ses chromatismes subtils, des oeuvres de Stravinski ou de Prokofiev au style raffiné, aux effets discordants, à l'extravagante coloration des timbres. Pourtant Biély, tout en croyant fermement que les nouvelles tendances en littérature sont parallèles aux nouvelles formes de la musique de la même époque, est incapable d'établir un lien entre son écriture et celle d'un Stravinski. Autant il est révolutionnaire dans son écriture et surtout dans sa prose, autant il est conservateur dans ses goûts musicaux, puisqu'il ignore Prokofiev, dont les oeuvres étaient pourtant abondamment commentées en Russie; de la même façon il ne parviendra jamais à se laisser séduire par la musique de Scriabine qu'il connaît pour l'avoir rencontré chez les Medtner. Entre ses théories (de même que ses oeuvres) et ses goûts musicaux le décalage semble inévitable: ainsi Biély restera-t-il toujours plus proche de Schumann que de ses contemporains, Scriabine, Stravinski ou Prokofiev
(10).
Blok et Verlaine forment un «couple» de poètes caractérisés par une attitude différente de celle du «couple» Biély/Mallarmé: tous deux s'abandonnent aux mouvements du monde. Blok se laisse prendre par la musique (qu'il définit comme l'art du mouvement) et les rythmes du monde, Verlaine se laisse effleurer par la multiplicité des réalités pour proférer un langage dont la force réside plus dans la mélodie que dans l'intensité, en quête de ces choses «qui chantent dans la tête alors que la mémoire est absente».
Les poèmes de Blok et de Verlaine sont plus «spontanément» musicaux que ceux de Mallarmé ou de Biély. Ils se laissent saisir comme leurs auteurs se laissaient saisir par les traces sonores des mouvements du monde. Ceux de Mallarmé et de Biély, après la lecture, suscitent bien plus systématiquement les commentaires, les analyses, les interprétations. Ils ne s'abandonnent pas, ils cherchent à reconstruire un univers qui va happer le lecteur. Comme toute oeuvre, ils laissent transparaître confusément les données premières qui ont servi à leur élaboration, l'esprit de leur créateur, son type de perception et son attitude face au monde.
Le destin des quatre grands noms qui ont servi cette étude, Verlaine, Mallarmé, Blok et Biély, fournit des indices intéressants: Verlaine est lu, appris, ses poèmes sont parmi les plus belles pièces de la poésie française, sa poésie n'a rien perdu de sa capacité d'envoûtement. Mallarmé a produit des textes hermétiques, difficiles d'accès, dont quelques-uns seulement demeurent gravés dans les mémoires («Brise marine»), mais qui sont restés objets de séduction des intellectuels et des théoriciens. Son poème «Un coup de dés...» est une oeuvre maîtresse pour la compréhension de l'histoire de la poésie et de l'art, mais il n'obéit plus à la fonction initiale de la poésie: être déclamée, récitée, parfois chantée, ou mémorisée. Blok a produit des poèmes qui, comme ceux de Verlaine, demeurent des oeuvres lues et relues, mais à la différence de Verlaine toutefois, il n'a fait que traverser le symbolisme pour s'épanouir dans une création qui transcende toutes les influences subies, ainsi que le prouve l'extraordinaire poème Les Douze (1918), symboliste, mystique et épique, social et allégorique. Biély, lui, demeure un nom connu, mais il a produit sans conteste de meilleures oeuvres en prose qu'en poésie, et comme on l'a vu, il a appliqué avec d'autant plus de bonheur ses théories qu'il s'en éloignait davantage.
Le temps parle mieux de la valeur des oeuvres que n'importe quelle analyse. Il nous dit que celles-ci gagnent là où la conscience s'estompe. Mallarmé et Biély furent acharnés à émettre ou étudier des théories, chercher à les appliquer; en somme ils furent conscients et analytiques. Et cette conscience, lorsqu'elle s'est trouvée en éveil pendant les moments mêmes de création, semble avoir ôté à l'oeuvre son noyau vital. A la poésie de Blok et de Verlaine on applique spontanément le qualificatif de musical. Tous deux ont en commun une perception principalement sensuelle ou intuitive, Blok sans doute davantage que Verlaine, bien qu'ils se soient tous deux interrogés sur l'art, sur leurs oeuvres, Verlaine jusque dans ces poèmes, Blok dans ses journaux ou sa correspondance. Dans une lettre à Biély, datée du 3 janvier 1903, où il discute de l'article écrit par Biély intitulé «Les Formes de l'art», Blok parle ainsi de Verlaine:
« (...) Il faut absolument que vous citiez Platon, Nietzsche, Wagner, et l'«inconscient» (bien évidemment!) Verlaine.»
(Dialog poetov, Moscou, Vyssaja skola, 1990, p.95)
L'indétermination dont font preuve Verlaine (utilisation de mots vagues, etc.) et Blok (lettre à Biély, 9.1.1903, Ibid., p.101: «(...) la poésie, quand elle se tient près de la musique, se nourrit d'elle(...)») ne serait que l'expression de ce désir d'effacement de la conscience, dont par intuition autant que par raisonnement (Verlaine indiquant ses préceptes dans son «Art Poétique») les deux poètes savent qu'il est une condition incontournable à la création.
Le problème ne serait pas seulement un problème de conscience, mais celui du moment où et de la façon dont cette conscience opère dans l'élaboration de l'oeuvre. Ce qui reviendrait finalement à dire qu'il s'agit d'un problème de perception propre à chaque être. A l'intérieur d'un même mouvement - le symbolisme -, dans des pays différents, la question s'est posée. L'intégration de la donnée musicale, que celle-ci se rattache aux fonds culturel, biographique ou socio-historique dont l'oeuvre se nourrit, à cette oeuvre dépend du type de perception de chaque créateur.
Depuis l'avènement de la modernité, dont nous ne sommes pas encore sûrs d'être sortis, les termes dans lesquels se pose le travail de la création ont changé: l'artiste doit se tenir dans un fragile équilibre entre le faire et la conscience de faire. Pour donner à son oeuvre une chance de permanence, le créateur doit, selon Blok, fuir toute analyse formaliste de technique musicale qui provoquerait le refroidissement de l'ardeur du poète. L'artiste devrait alors créer un état d'intemporalité relative, lui permettant de transcender toutes les données alimentant la matière première de l'oeuvre.
L'étude des liens entre la musique et la poésie peut sembler à ce point avoir été un prétexte pour déboucher sur des considérations portant sur le travail de création. N'aurait-on en effet pas pu choisir un autre élément pour révéler l'importance du type de perception, les contraintes du créateur? Certains affirment que la question des rapports entre la musique et la poésie est trop floue et ne touche que la surface. L'évolution de la poésie montre qu'il s'agit d'un problème réel. Car la poésie s'est trouvée depuis la fin du XIXe siècle à un carrefour: deux voies s'ouvraient à elle, celle de la conscience exacerbée qui gâte presque nécessairement la qualité de l'oeuvre, celle d'une conscience respectueuse de la perception globale qui permet au créateur de se livrer à son travail en se laissant inspirer et porter par les matériaux qui travaillent l'oeuvre. Ceux qui ont choisi la deuxième voie n'ont pas rompu avec les mythes originels, celui d'Orphée en particulier, dans lequel l'association entre la musique (art des sons) et la poésie (art des mots) n'est pas un vain mot ( Mallarmé reconnaissait volontiers avoir pour ambition une «explication orphique de la terre»). Mallarmé est donc à la charnière des deux chemins, ce qui explique pourquoi la plupart de son oeuvre n'est plus de mise actuellement mais aussi pourquoi une partie demeure. La problématique inverse serait intéressante à traiter: comment les musiciens ont-ils intégré l'élément littéraire ou linguistique à leurs oeuvres (et l'on peut penser à Janacek pour qui aucun art n'égalait la musique du langage parlé)? D'un autre côté ceux qui ont suivi la première voie semblent avoir mené ou abouti à des impasses (surréalisme, futurisme, constructivisme), mais ils sont peut-être aussi les explorateurs d'un nouvel univers dans lequel l'homme s'engage, par anticipation pour ainsi dire dans son ardeur à dépasser le temps, univers paradoxalement en attente de ses mythes fondateurs.
Hélène Desgraupes


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